CLASSIFICATION, POSITION ET TENDENCE EN PHILOSOPHIE

Résumé

La pensée philosophique n'est pas l'histoire des "idées". En philosophie, il ne s'agit pas de donner des représentations toutes faites ("idées") mais de forger des outils pour travailler et répondre à des difficultés qui se posent: dans les sciences, dans la société, dans la culture (y compris dans la philosophie elle-même). C'est pourquoi une philosophie est relative à un paysage, au sein duquel elle prend position, dans lequel elle s'oriente, c'est-à-dire qu'elle s'efforce de prendre telle direction plutôt qu'une autre, ce que j'appelle "tendance". Une philosophie peut donc prendre une tendance qui semble opposée aux idées qu'elle avance. Par exemple, Berkeley affirme des idées réalistes (primauté des sensations) et les inscrit dans une tendance spiritualiste (inexistence du réel réduit à des représentations). Autre exemple, Kant affirme l'excellence de la démocratie (la raison commande une politique voulue par le peuple) mais il l'inscrit dans une tendance aristocratique (ce n'est pas le peuple réel qui fait la politique). Le cas de Jean-Jacques Rousseau est exemplaire: il attaque les "matérialistes" et les "athées", affirme la liberté de l'esprit et l'existence de Dieu, mais son spiritualisme s'inscrit dans une logique radicalement matérialiste. C'est cette difficulté qui rend la lecture de son oeuvre complexe et qui explique que les en font un kantien, d'autres un hégélien, d'autres un husserlien, etc.